retour à la case départDOSSIER ABC

TOM STRONG

 


 

News exlusives

 

Planning des sorties du mois et des prochains

   

       

Retour au Sommaire du Dossier ABC

 

PRESENTATION ET ANALYSE

 

Tom Strong est un héros total, il est LE héros. Il est grand, fort, beau, très intelligent, sexy, particulièrement bon, …

Il est Superman, Doc Savage, Batman, Sherlock Holmes, Flash Gordon, Tintin,  Indiana Jones, Inspecteur Gadget, Tarzan, James Bond, Bob Morane, Alan Quatermain, … et bien plus encore.

Tom vit des aventures gigantesques et formidables, mélangeant super-héros, pulp, science-fiction, western et toute forme de fiction, mais, comme souvent chez Moore, c’est «entre les lignes» qu’il devient réellement passionnant.

 

LES ORIGINES :

Le premier numéro de Tom Strong (Eisner Award du meilleur comic de l’année) raconte les origines du héros à travers les yeux d’un fan qui lit le même comic, thème sur lequel nous reviendrons plus tard.

Les parents de Tom Strong, des intellectuels anglais victoriens types, sans doute inspirés par les philosophes des lumières et par les utopies du 19ème siècle, partent découvrir l’île secrète de Attabar-Teru, l’île existant au-delà des nuages. Là, ils veulent élever leur enfant, Tomas, né le 1e Janvier 1900, dans les meilleures conditions, c’est à dire premièrement loin de l’influence de la civilisation, de la société moderne et du déterminisme. Deuxièmement, dans une chambre à haute gravité où un robot conçu par son père lui administre une éducation moderne, basée sur la rationalité et la science, Tomas est nourri sainement, il est végétarien, ... (Tous ces éléments : rationalité, confiance dans la science, critique du déterminisme social… donnent clairement la touche «victorienne» aux origines du héros). Mais un accident cause la mort des parents Strong, laissant les Uzus, les habitants de l’île, élever Tomas selon leurs traditions, même si Tomas garde son intérêt pour la science et va jusqu’à rebâtir le robot Pneuman.

A l’âge adulte, Tomas quitte l’île pour les Etats-Unis, où il va découvrir la mégalopole Millenium City et le sens de l’aventure. Déjà, il se fait des ennemis (dont le fameux Paul Saveen) et des alliés aventuriers. Depuis, Tom, nourri aux racines de Goloka, qui lui donnent force et vitalité et prolongent sa vie en lui apportant quelques petits plus (voir plus loin), partage sa vie entre Attabar-Teru et Millenium City, avec sa femme Dhalua, fille du chef des Uzus, et leur fille Tesla.

 

TOM STRONG :

Abordons d’abord les évidences : Tom est un grand scientifique, et chaque histoire peut nous présenter ses nouvelles et formidables inventions (sur ce point, Moore essaye toujours de garder le fameux sens du merveilleux, ainsi il arrive à rendre assez épatante une idée aussi vue et revue qu’un robot parlant). Il est aussi, de par son enfance dans la chambre à haute gravité, plus fort, plus solide (ce détail est en fait assez foireux scientifiquement parlant, mais Moore justifie ainsi le physique parfait de Tom).

Mais malgré les apparences, Tom est un héros iconique beaucoup plus intéressant que l’on ne pourrait le croire. En de nombreux points il se distingue du bon héros WASP bien pensant défendant le statu-quo, tabassant les méchants, et encourageant les enfants à se brosser les dents avant leurs prières, même si c’est la première image qu’on a de lui.

Il doit être noté que Moore a conçu Strong comme un surhomme certes, mais avec une vision moins classique : ici le surhomme n’est pas un dominant, mais un vrai modèle ; et le modèle que Moore veut présenter n’est pas toujours automatiquement celui de la fiction à laquelle on est habitué, mais ce que Alan Moore lui-même (à savoir un ex-hippy, anarchiste et amateur de substances prohibées) souhaite présenter comme un modèle.

Tom est un héros international, un «citoyen du monde» comme le disent les bien-pensants aujourd’hui, ce qui écarte déjà un certain nombre de clichés. Tom Strong agit pour le bien, et non pour les Etats-Unis, la couronne d’Angleterre ou Gotham City. C’est un humaniste profond qui agit pour ce qu’il juge bien, non pour la «justice» ou la vengeance. Il est bon parce que c’est sa définition, suivant la vision existentialiste ; ce n’est ni un sacrifice, ni une mission. Il est tolérant, représente la science (l’aspect positif, utopiste, avec progressivement plus de recul sur l’absolu de la vision scientiste), mais marque un intérêt pour le mysticisme et les religions, sans jamais présenter d’uniques vérités. De même, Tom lutte avec son esprit et cherche dans la majorité des cas la solution non-violente.

D’autres éléments encore définissent cet aspect «Superman de gauche» (pour résumer). Le rapport avec sa femme est bien utilisé (du moins depuis quelques temps : au début elle était l’épouse classique, mais elle est désormais l’amante et l’égale) : d’un coup, le principe selon lequel un héros marié est ennuyeux disparaît : ça le rend sexy et aide à le définir. Ils s’aiment et ça se sent, c’est passionnel et tendre, mais ne correspond pas aux critères types et réactionnaires qui décrivent en général les couples. C’est un couple moderne, qu’on peut même imaginer libre, Tom et Dhalua partagent un amour vrai, où le sexe est présent, positivement.

De plus, ce couple montre un autre élément important et novateur : Tom est heureux, vraiment, ce qui est au final très rare pour un héros et correspond à cet aspect «modèle».

Un autre point aussi très important: Tom Strong se dope. Non il ne se shoote pas, ni ne passe son temps à fumer des joints avec sa fille, mais l’intérêt familial pour les racines de Goloka paraît parfois assez provocant : pourquoi Tom est-il si relaxé en fumant sa cigarette au Goloka? pourquoi Dhalua a-t-elle soudain une expérience «mystique» si proche de l’hallucination en ingérant ces racines? Sur ce point, on sait que Moore – viré de l’école à 17 ans pour vente d’acides – a toujours défendu l’intérêt, mystique, physique et spirituel, de l’usage de produits modifiant le niveau de conscience ; il l’avait déjà fait dans Swamp Thing de façon plus directe, mais le faire avec un héros «modèle» accentue l’aspect provocateur de ce fait.

Pour toutes ces raisons (et quelques autres), Tom Strong est un des travaux les plus subversifs de Moore. Certes il a fait des comics directement politiques, pornographiques, complètement révolutionnaires, mais ils s’affirmaient comme tels et non comme un comic de super-héros parfait.

Cependant, il faut noter que Moore oppose également des critiques à Strong (il semble que ce positionnement politique soit apparu un peu après le début de la série), lui opposant des arguments anti-sciences, le présentant un peu comme un impérialiste (la présence de logos NIKE par sa faute un peu partout sur Attabar-Teru dans le premier épisode ne le rend pas sympathique). De plus, il lui laisse l’aspect mégalo de beaucoup de héros, comme l’indique la forteresse Strong à Millenium City, avec une énorme statue du héros. Mais progressivement le pas se fait, et c’est pour ça que la série devient plus intéressante sur la fin de la 1e année.

Le monde dans lequel vit Tom Strong n’est en fait pas le nôtre. Nous avons dit que Tom était heureux, et c’est sans doute aussi pour cela. Le monde de Tom Strong est un monde paisible, où les progrès de la Science profitent réellement à l’homme, où la religion n’est pas omniprésente, où les humains s’entraident, où l’éducation est moderne et humaine, où les hommes règlent leurs problèmes autrement que par la violence. C’est pourquoi Tom n’a pas à se poser la question habituelle qui crée le problème dans les comics de super-héros (le héros défend l’ordre établi, même si celui-ci n’est pas brillant). Il peut être bon et réellement positif, sans avoir à être révolutionnaire.

Bien sûr, il y a aussi un élément parodique dans Tom Strong, une certaine distance par rapport au surhomme parfait et bon, mais c’est un angle très discret, et Moore essaye d’être le plus «clair» possible, direct dans son approche, sans cynisme ou «second degré» trop facile. Tom Strong est d’ailleurs le titre ABC le moins «drôle» en fait (quoique cela varie beaucoup selon les épisodes).

 

LA FAMILLE STRONG, ET LES STRONGMEN OF AMERICA.

Nous avons déjà parlé de Dhalua, mais il faut également signaler qu’il s’agit accessoirement de la première femme noire d’un grand héros blanc.

Tesla, la fille Strong, paraît souvent être plus intéressante que son père. Métisse (quoique figurativement, Tom est métis également, et Moore s’amuse même dans le premier épisode à nous dire que sa mère avait un noir pour amant, créant évidemment le doute sur le père réel du héros), jeune fille moderne, elle est le fruit d’une éducation «moderne» là encore ; on voit en elle et dans son rapport avec ses parents des références à la pédagogie expérimentale développée dans les 60’s et 70’s, laxiste diraient certains. Elle est libre, jure à foison (et, notait un lecteur indigné dans les pages de courrier, son père la laisse faire: quelle horreur… Le même lecteur trouvait d’ailleurs atroce que Tom «laisse sa femme le traiter de porc», quelle image pour nos enfants) et se moque facilement des aspects kitsch de ses parents. Là encore, la relation avec son père, moderne et tendre, laisse supposer que Moore lui-même s’est inspiré beaucoup de ses propres filles.

Il faut noter que techniquement, Tesla est cinquantenaire (toujours le Goloka, qui conserve très bien), mais le fait de la traiter comme une éternelle adolescente aide au charme de la série, c’est une ado qui a vécu beaucoup plus, qui est plus complexe qu’il n’y paraît.

Pneuman, le fameux robot qui a la voix du père Strong, n’a pas encore été très utilisé, mais son simple design (caractéristique d’une vision passée du futur) est assez plaisant pour justifier le personnage, surtout utilisé pour l‘instant pour ses éternels conflits avec…

King Salomon, le singe qui parle et grand camarade de la famille. A l’origine c’est le résultat d’une expérience scientifique louche mais depuis que Moore a voulu accentuer l’aspect progressiste de son héros, ce détail semble oublié. Solomon est un gentleman, utilisant des expressions british délicieusement passées de mode, jouant au golf et ne manquant pas une occasion de vanner Pneuman. Comme le robot, c’est un personnage peu travaillé, mais attachant.

Les Strongmen of America sont un élément central de la série. Ces enfants, fans de Tom Strong et de Chris Sprouse, lisent eux-mêmes le comic (à gauche) tout en vivant à Millenium City. On voit surtout en eux une petite bande, mélange de fanboy et de Club des Cinq surréaliste (l’aspect exagéré, limite secte, de leur passion pour Tom Strong, le langage top-notch, dont le fameux «Holy Socks!» de Timmy Turbo…), mais c’est aussi là que le comic est le plus drôle et subversif. Ainsi dans une histoire courte, les jeunots sont enlevés par un méchant principal voulant rétablir la discipline scolaire type (en fait celle qu’on connaît dans notre monde) ce qui permet aux jeunes de dire «Holy Socks! On peut être aussi violent qu’on le veut avec ces professeurs, ce ne sont que des robots!».

De même les fans réapparaissent dans une fausse pub pour les ABC où Strong les encourage à lire toute la gamme et insulte gaiement les fans de comics qui ne lisent pas les "Meilleurs Comics d'Amérique".

 

« TOM STRONG - The Best Guy in the World !  Vs. PAUL SAVEEN - Earth’s Deadest Science-Villain ! »

Si Tom a déjà pas mal d’adversaires, Paul Saveen est le plus fameux, il est son Joker, son Lex Luthor, son Moriarty. C’est surtout à ce dernier qu’il ressemble le plus: génie du mal, passionné lui aussi de science, il est au final surtout dominé par un point : vaincre Strong, il n’est défini quasiment que par son antagonisme. Et il ne veut pas voler, tuer, conquérir le monde : il veut vaincre Strong. Et là encore ce n’est pas si simple, il ne veut pas tuer Strong : trop facile ; le vaincre est un objectif plus métaphysique : il est du genre à capturer Strong et lui raconter son plan avant que le héros se libère. Saveen, c’est sûr, ne veut pas vaincre, il veut le conflit, il veut être Strong ou que Strong soit lui, il veut l’affaiblir, le blesser moralement, il veut aussi perdre (on le sait, Tom Strong gagne toujours, il le sait plus que nous encore). Cette relation, tout en respect, entre les deux personnages, n’est qu’abordée (et encore, Saveen n’est jamais vraiment dans le comic).

Bref, Saveen rassemble les différents élément du «vilain», qui ne se définit que par rapport au héros. Rappelons que Moore avait déjà signé, avec Batman : Killing Joke, un des meilleur comics sur le rapport héros/vilain et toutes les subtilités qu’il implique.

Mais le point principal de Saveen, c’est qu’il meurt, à chaque fois, et qu’il revient toujours (d’où son surnom «the deadest vilain»).

 

LES HISTOIRES.

L’avantage certain de Tom Strong, c’est que c’est un comic extrêmement varié, il existe une différence de ton, de fond et de forme, véritablement flagrant d’un épisode à l’autre. Tous les genres, que ce soit l’intrigue ou la forme narrative, se mélangent et se croisent. On peut distinguer cependant différents «types» d’épisodes :

- Les aventures «type» : un fascicule, une histoire. Comme les numéros 2, 3 ou 13 (ou l’histoire en 2 parties dans les 11 et 12). Chacune de ces histoires est indépendante et utilise les habituels sujets : réalités alternatives, voyage dans le temps, intelligence artificielle et voyage à travers la galaxie. Chaque fois ces concepts «classiques» sont utilisés finement et il y a toujours les habituelles tonnes de références et de sous-entendus auxquels Moore nous habitue. Chacune, cependant, a un «ton» différent : le # 2, «Return of the Modular Man» nous présente une histoire en rapport avec Millenium City et la famille Strong (car Tom est survenu quand une entité virtuelle intelligente prend le contrôle de la ville) et finit sur une note poétique ; le # 3, «Aztech Night» – excellent dans son exécution, une telle histoire en 24 pages met la honte à l’ensemble de la communauté scénaristique mainstream – nous permet de rentrer dans la tête de Tom Strong, et d’y découvrir le fonctionnement passionnant du personnage, nous laissant réfléchir à la logique du pouvoir et des divinité au travers de cette machine qui devient Dieu. «Terra Obscura» (# 11-12) est un hommage très 1er  degré et passionnant au Golden & Silver Ages (le genre d’histoire censé nous offrir le même plaisir que celui d’un enfant face à une grande fiction). Le chapitre 13 fait plus place à l’humour, mélangeant un trip très naïf avec une exécution humoristique, voire sarcastique.

- Une histoire plus longue, qui parcourt Tom Strong # 4-7 (Eisner Award du meilleur arc-story dans une série régulière). Cette histoire est la plus classique, la plus proche d’un comic mainstream traditionnel, où Tom rencontre plusieurs ennemis qui font leurs retours respectifs, et voyage dans le temps (de son futur à l’origine du monde), et où une découverte changera certes sa vie, apportant une «profondeur» supplémentaire au personnage. Cette histoire n’est pas automatiquement passionnante, mais est intéressante dans son exécution: chaque chapitre reste une histoire indépendante, où Tom Strong affronte un adversaire (et un «flash-back» raconte la première rencontre entre Tom et cet adversaire). Même si l’histoire générale ne passionne pas, les chapitres pris individuellement peuvent être des petits joyaux. Ainsi, dans le chapitre 5, la réflexion sur l’origine du monde (ou Pangaea, le continent originel, est présenté comme une forme de vie pensante et globale), sur le débat nature/culture et sur le mal est subtile et poétique, le chapitre 6 aborde la relation héros/vilain avec à nouveau un certain sens du parfait (même si les points intéressants de ce numéro sont justement trop sous-entendus, laissés entre les lignes).

- Quelques numéros sont divisés en 3 histoires courtes (# 8 à 10), très variées, et c’est là qu’on découvre la véritable variété potentielle de la série. Alan Weiss dessine un strip sous forme de Western (à droite), se tournant vers une ambiance plus proche des films d’épouvante et finissant comme un récit de Sience-Fiction, tout ceci en 8 pages!! De même on a droit à une histoire très inspirée Hergé mais contenant une étrange forme de vie alien, une expérience «mystique» troublante de Dhalua, un strip délirant et provocant des Strongmen of America, trois strips centrés sur Tesla (deux plutôt délirants, et un plus glamour, pour ne pas dire «hot»), une courte nouvelle illustrée, particulièrement métaphysique (et particulièrement bien écrite, mariant là encore un style victorien à une approche expérimentale), et enfin un voyage hilarant dans une réalité alternative peuplée de «Funny Animals» dont le fameux Warren Strong, version lapinesque de Tom (on revoit par la suite Warren avec plaisir dans la série).

 

CHRIS SPROUSE (ET LES AUTRES).

Chris Sprouse, le dessinateur principal de Tom Strong, signe là son œuvre majeure après une déjà longue carrière. Travaillant un peu partout chez DC, voire chez Marvel (un peu de Batman par-ci, un peu même d’X-Men par là, …), c’est surtout sur la Legion of Superheros, puis sur le spin-off Legionnaires, qu’il s’est fait remarquer et a touché ses fans. Extreme (Rob Liefeld) l’engage plus tard pour reprendre les New Men (et faire ensuite deux ou trois autres choses), et c’est sans doute la seule chose (hormis les séries de Moore bien sûr) que l’on peut retenir de tout ce label. Mais il fait un fill-in (le # 50) sur Suprême puis quelques pages sur Judgment Day… Et il est nommé dessinateur régulier pour la 2e année des Suprême de Moore, où il excelle clairement. Malheureusement, Awesome commence sa chute et Suprême s’arrête, laissant Chris tout dépité. Heureusement, il a à peine le temps de faire le one-shot Wildcats/Aliens (où Warren Ellis tuait Stormwatch, à gauche), une histoire courte pour Grendel et un run de couvertures pour Legionnaires que Moore lui propose Tom Strong. Il est alors encré au mieux par Al Gordon, un vieux routier qui a encré tous les artistes et bossé sur tous les comics existants, adepte d’un style académique très approprié.

Sprouse a un style très clair et très détaillé, très inspiré de l’école «ligne claire» européenne. Il y a beaucoup de détails mais il essaye d’économiser le trait le plus possible (jamais un trait de trop) et garde un sens des constructions, des mouvements et de l’architecture très subtil. Il garde ce principe, hérité de Hergé, de faire des personnages les plus dépouillés possible dans un environnement très détaillé (permettant ainsi l’identification plus générale aux personnages). Un autre élément intéressant est la cohérence qu’il arrive à donner à son travail ; ainsi, quand Tom Strong est dans un monde cartoonesque ou quand il croise le jeune Timmy Turbo (au visage aussi détaillé et réaliste que celui de Tintin), il n’y a pas paradoxe, pas de choc visuel. Il nous prouve (et prouve surtout à ses collègues) qu’on peut dessiner un personnage incroyablement costaud (Tom est une armoire à glace, tout autant qu’un personnage de – pour citer deux artistes très différents, mais «costauds» – Quitely ou Liefeld) sans les rendre ultra-stéroidés (ou nous offrir ces sublimes veines dans le cou qui ont fait la gloire du style Image).

Les couleurs des premiers numéros sont assurées par Tad Ehrlich, qui fait un travail honnête, subtil. Puis quelques numéros sont réalisés collectivement par l’équipe de Wildstorm FX, pour un résultat assez inégal, pas très intéressant. Mais Matt Hollingsworth arrive sur le # 9 et sublime le travail de Sprouse et Gordon. Hollingsworth est probablement l’un des meilleurs coloristes «traditionnels» de comics, et réalise clairement ici un de ses meilleurs boulots (la qualité du papier sur les ABC aidant, c’est certain).

Comme Chris Sprouse est lent, et que Tom est le genre de personnage iconique que tout artiste peut réinterpreter sans problème, beaucoup d’artistes viennent lui prêter main forte sur la série. Mais attention, ce ne sont certainement pas là des «fill-in», mais bien de réelles participations, pour dessiner les flash-backs ou des histoires courtes différentes. Ainsi Art Adams présente un strip se situant à Berlin vers la fin de la seconde guerre (un Berlin imaginaire, inspiré des architectes de l’époque et des délires visionnaires de Fritz Lang) ; Jerry Ordway rend un hommage direct aux EC Comics des 50’s (avec un lettrage aussi très adapté de Todd Klein, Eisner Award 2000 du meilleur lettrage pour les titres ABC) ; Dave Gibbons joue sur le visuel «pulp» ; Gary Frank (à droite) joue le rôle de l’artiste mainstream moderne ; Alan Weiss et Paul Chadwick signent chacun une histoire indépendante (toutes 2 splendides, certains de leurs meilleurs boulots) ; Gary Gianni offre une interprétation tremblante, onirique et particulièrement subtile de Tom ; Kyle Baker y adapte son style exagéré et son trait sec ; Russ Heath et Pete Poplaski viennent incarner les vétérans ; Hilary Barta donne une interprétation humoristique, ... Chaque artiste, à l’exception bizarrement de Gary Frank, donne une interprétation à la fois personnelle et brillante, tout en gardant toujours un élément de la «vraie» vision : le Tom Strong de Sprouse.

 

CEPENDANT ...

D’abord il faut aussi savoir que chaque histoire, donc chaque épisode, contient un bon paquet de références (comme dans tout boulot de Moore) qui donnent à chaque fois un «plus» à la lecture de la série, et que les sous-entendus et analyses possibles sont multiples.

Cependant, c’est vrai, Tom Strong n’est pas le meilleur titre de ABC scénaristiquement ; il arrive même que la série soit ennuyeuse, mais il est clair que développer une nouvelle icône pour tous âges, pour tous types d’histoires, et fonctionnant à tant de niveaux est une longue aventure. En espérant que la série durera, on peut se dire que ce travail d’ensemble portera ses fruits.

Nous allons bientôt voir sortir une nouvelle série consacrée au personnage, Tom Strong’s Terrific Tales (à gauche), une anthologie contenant dans chaque numéro 3 strips : une histoire de Tom Strong par Moore et Paul Rivoche (plus adulte et sombre semble-t-il que la série régulière), un strip sur le jeune Tom et ses aventures à Attabar-Teru (écrit avec Steve Moore/ Pedro Henry et dessinée par Alan Weiss) et un strip de SF consacré à une nouvelle héroïne, Joni Future (écrit encore avec Henry et dessiné par Art Adams).

 

Cyril

 

Dossier ABC :

Présentation du label. par Cyrill

Présentation et analyse de titre: Promethea. par Cyrill

Présentation et analyse de titre: Top 10. par Cyrill

Présentation et analyse de titre: Tom Strong. par Cyrill

Présentation et analyse de titre: Tomorrow Stories. par Cyrill

 

Retour au Sommaire du Dossier ABC